Prédication du 15 mars à Périgueux
Le texte proposé à notre méditation
pour ce matin est un passage de l’épître aux Romains, les versets 1 à 8 du chapitre
5 :
« 1
Justifiés par la foi, nous avons paix avec Dieu à cause de notre
Seigneur Jésus-Christ 2 grâce auquel nous avons (à jamais) accès,
par la foi, à cette grâce dans laquelle nous sommes établis. Aussi nous
mettons notre orgueil dans l’espérance de la gloire de Dieu (que nous
connaissons actuellement). 3 Non seulement (nous mettons notre orgueil
dans cette espérance), mais nous mettons également notre orgueil
dans les détresses (que nous connaissons actuellement), sachant que la détresse
produit la persévérance, 4 que la persévérance (elle) produit un
renforcement (de la foi) qui, à son tour, génère de l’espérance. 5 L’espérance
ne peut être déçue car l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le
Saint-Esprit qui nous a été donné. 6 Car lorsque nous étions
faibles, Christ est mort pour les impies au moment voulu (par Dieu) 7
C’est à peine si un homme mourrait pour un juste ! Certes, pour Le Bon, le
Parfait peut être que quelqu’un accepterait de mourir, 8 mais Dieu
démontre son amour pour nous puisque Christ (le Bon !) est mort pour nous
alors que nous étions pécheurs ».
Chers frères et sœurs,
Dans
la période que nous connaissons, où certains cèdent à une panique
irrationnelle, mais où beaucoup éprouvent une peur profonde, ressentent une
inquiétude bien justifiée, car nous ne savons pas vraiment dans quelle
situation nous sommes embarqués, les quelques versets de Paul nous rejoignent.
Ils nous parlent. Il y est question de « détresses »,
« d’épreuves », mais aussi de « paix », d’« espérance »,
d’être « justifiés ». Quatre éléments me semblent importants à
souligner.
1) L’épreuve
D’abord,
Paul parle de « tribulations », de « détresses ». On
peut comprendre que Paul traverse des épreuves difficiles. Dans son contexte,
il s’agit sans doute de la persécution. On sait qu’au premier siècle, les
premiers chrétiens ont subi, de la part des Romains, une vague de persécution.
C’est dans ce contexte qu’il dit aux chrétiens de Rome que « la
détresse produit la persévérance, la persévérance le renforcement de la foi et
le renforcement l’espérance ». Il ne faudrait pas comprendre de ces
mots que l’épreuve est envoyée par Dieu pour nous permettre d’endurcir notre
foi. Paul ne dit pas qu’il se « réjouit » de ces épreuves, comme
certaines traductions françaises peuvent le laisser croire. Il dit qu’il s’en « glorifie ».
Alors que d’autres se glorifient de leurs actes, de leur foi, du pouvoir de
guérison qu’ils détiennent ou de leur capacité à « parler en
langues », lui se glorifie de ce sur quoi il n’a aucun pouvoir. Alors que
l’homme se glorifie de sa force, de sa sagesse, de sa situation dans la
société, Paul met son orgueil dans ce qu’il ne contrôle pas. Comme pour bien
affirmer que la seule gloire est à Dieu et que, nous ne pouvons, dans la vie,
tenter de jour en jour à entrer dans une dé-maîtrise : sur nous-mêmes, sur
les autres et sur les événements qui nous arrivent. L’enseignement de Paul est
important pour nous aujourd’hui. Dans le contexte qui est le nôtre, il nous
faut apprendre la dé-maîtrise. Accepter de ne pas pouvoir tout contrôler.
Accepter qu’il y a dans la vie de l’incontrôlable, de l’inconnu. Mais dans cet
incontrôlable, nous ne sommes pas seuls, nous ne nous débattons pas tout seul,
ou toute seule. Il est là et renforce notre foi et notre espérance.
2) La paix
Ensuite, Paul nous dit que
« nous avons » paix avec Dieu. Cette paix n’est pas l’absence de conflit. Ce n’est
pas ce sentiment intérieur que l’on peut atteindre par des pratiques zen ou
autres. C’est d’abord un événement : celui de la mort et de la
résurrection de Jésus d’entre les morts. C’est dans et par cet événement que la
paix a été établi. Une fois pour toutes. Pour cette paix, Dieu seul est à
l’initiative. C’est une déclaration unilatérale de paix. Alors que
d’habitude, c’est la guerre qui fait l’objet d’une telle déclaration, comme l’assassinat
par Washington de cheik iranien Soleimani, avec la suite que nous connaissons, en
Jésus-Christ, c’est une déclaration unilatérale de paix que Dieu lance. Par
Jésus-Christ, nous avons accès à jamais à Dieu. Rien, ni nos doutes, ni nos
éloignements, ni nos révoltes, ni nos craintes, ne peuvent empêcher Dieu de
faire sa paix avec nous. La seule vraie difficulté, c’est que nous faisons souvent
de la résistance. A la vérité : nous n’aimons guère avoir la paix sans
l’avoir méritée ni conquise. Nous aurions aimé l’arracher au prix d’un long
combat, où nos qualités de croyant, la pureté de notre foi, la sincérité de
notre prière, notre persévérance dans la lecture des textes bibliques, auraient
pu être reconnues. Nous aurions aimé que nos œuvres, nos engagements, dans
l’Entraide, la Cimade, l’ACAT, puissent être pris en compte. Nous aurions aimé
que Dieu ne puisse faire autrement que de fléchir le genou et d’accepter de
faire la paix avec nous et grâce à nous. Le fameux contrôle, la fameuse
maîtrise dont je parlais tout-à-l ’heure. Mais, il n’en est rien. La paix est
unilatérale. Du coup, la balle est dans notre camp. C’est à nous d’accepter
d’être aimé de manière imméritée et totalement déraisonnable. C’est à nous
d’accepter et de vivre de cette paix.
3) Le « courage d’être »
Et
c’est là, précisément, que le bât blesse. Une variante de notre texte, très bien
attestée, par des manuscrits importants et de toute première qualité a, non pas
un présent mais un subjonctif. Autrement dit : au lieu de la traduction
traditionnelle « nous avons à vivre » nous pourrions
comprendre : « Ayons la paix ». Autrement dit : « vivons
la paix » qui nous est donnée. C’est là le plus difficile ! La paix
qui nous est donnée, nous devons l’incarner dans nos vies, au quotidien, jusque
dans les épreuves de nos existences. La paix dans tous ces combats intérieurs
qui nous tenaillent, qui véritablement nous « bouffent » : le
passé qui nous hante, les erreurs que nous ressassons, les culpabilités qui
nous paralysent, nos orgueils qui nous empêchent de pardonner, les deuils qui
nous brûlent le cœur… Mais également la
paix dans nos combats de tous les jours. Là, dans cette épreuve que nous
connaissons actuellement. Oui, nous avons à vivre la paix jusque dans ces
combats. Ou plutôt : la paix donnée par Dieu nous donne la force de
vivre en paix ces moments. Le fait de savoir que je n’y suis pour rien
dans cette paix, paradoxalement, me donne le courage de vivre les épreuves de
la vie, non comme des punitions ou des châtiments divins mais comme des occasions
pour témoigner de ma foi (cf Jean 9). La Paix donnée me donne le courage
d’être au quotidien, de me relever quand les épreuves veulent me mettre à
terre, de vivre debout, en sujet responsable de ses failles et de ses
faiblesses, de ses convictions et de ses doutes car appuyé sur l’amour de Dieu
que l’Esprit a déposé et dépose dans nos corps et nos cœurs.
4) Une paix diffuse
Nous
touchons ainsi du doigt le dernier point important de notre passage : la paix
que nous avons et que nous avons à vivre, doit se répandre. Cette paix,
nous ne pouvons-nous contenter de la vivre : il nous faut la communiquer
autour de nous. Si Dieu s’est fait pacificateur en Jésus-Christ, nous devons à
notre tour nous faire des apôtres en parole et en actes de la Paix. En paroles,
en annonçant l’Evangile. En actes, en ayant des paroles apaisantes, des
postures apaisantes, des prises de position apaisantes, et particulièrement
dans le contexte que nous connaissons. En agissant concrètement pour la paix et
la réconciliation des hommes. Là-bas au loin, pour des personnes que nous ne
connaissons pas, mais aussi, et c’est sûrement le plus difficile, avec nos
proches, les membres de notre famille, nos voisins, nos collègues, nos frères
et sœurs dans la communauté. Amen.